Quels sont les effets attendus par le gouvernement et, à l’inverse, par ses détracteurs ?
Mais pour ce petit Etat de 6,5 millions d’habitants, l’objectif principal est de faciliter les transferts d’argent entre la diaspora salvadorienne et le tissu économique local. Ces mouvements, principalement en provenance des Etats-Unis, ont représenté l’an dernier quelque six milliards de dollars (5 milliards d’euros), l’équivalent de 23% environ du produit intérieur brut du Salvador, selon l’agence Reuters. Aussi, pour le chef de l’Etat, le bitcoin permettra aux Salvadoriens d’économiser 400 millions de dollars de frais bancaires lors des envois d’argent par la diaspora.
« Au Salvador, l’inflation est modérée mais tout le système bancaire local repose sur le système bancaire américain (…) Ce qui est intéressant avec le bitcoin c’est : « je n’ai pas besoin de demander la permission ». Ce n’est pas grave si le système américain est complexe », résume Nicolas Burtey, cofondateur de Galoy Harmony lors de l’événement francophone « Surfin Bitcoin 2021 » qui s’est tenu fin août à Biarritz. Ce Français y a raconté son expérimentation de « Bitcoin Beach » où encore du village local El Zonte, qui pratique les paiements en bitcoin.
Aussi, dans un pays où plus de deux personnes sur trois n’ont pas accès à un compte bancaire, selon le FMI, l’enjeu est de donner un cadre, basé sur le consensus technologique du Bitcoin, aux échanges.
Le gouvernement a ainsi mis en place l’infrastructure et le portefeuille numérique baptisé « Chivo » (« Super », en langage familier), accessible sur mobile et en ligne pour tous les Salvadoriens. Pour encourager les transactions de la vie quotidienne, tel se rendre au McDonald’s comme le raconte un internaute sur Twitter ou encore de payer ses impôts, l’Etat offre 30 dollars de bienvenue aux citoyens. En outre, 200 distributeurs automatiques permettant d’échanger des bitcoins sont en cours d’installation dans les villes du pays.
« bitcoin aura un impact sur les prix des biens et services »
Cependant, plus des deux-tiers des Salvadoriens s’opposent à la décision du très populaire président Bukele et disent dans deux sondages distincts vouloir continuer à utiliser exclusivement le dollar américain.
« Ce bitcoin, c’est une monnaie qui n’existe pas, c’est une monnaie qui ne va pas profiter aux plus pauvres, mais aux plus riches. Qui, étant pauvre, peut investir alors qu’il a à peine de quoi manger ? », s’enflamme José Santos Melara, un vétéran de la guerre civile qui a déchiré le Salvador de 1980 à 1992, et qui a manifesté vendredi contre la cryptomonnnaie.
Une semaine avant l’entrée en vigueur, plusieurs centaines de personnes ont manifesté dans la capitale pour demander au Parlement de renoncer au bitcoin.
Craignant le blanchiment d’argent par des réseaux criminels, notamment de trafic de drogue, les Etats-Unis ont appelé le Salvador à « se protéger des acteurs malintentionnés » par un usage du bitcoin « réglementé », « transparent » et « responsable ».
Cette mesure aura « un impact négatif » sur les conditions de vie des Salvadoriens en raison de « la forte volatilité du taux de change » du bitcoin, et aura un impact « sur les prix des biens et services », selon l’économiste de l’Université du Salvador Oscar Cabrera, également ancien président de la Banque centrale du Salvador. Le bitcoin, c’est la promesse d’un « Titanic que personne ne gouverne« , s’inquiète-t-il encore. « Bitcoin pour eux c’est l’espoir (…) pour les gens, c’est juste magique », assurait de son côté le Français Nicolas Burtey au « Surfin Bitcoin 2021 ».
Source: La Tribune